Comme promis voici donc la seconde partie de notre soirée avec Aline. Attablés dans un resto du centre, les langues se délient et la conversation dérive à la grande joie de notre reporter.
Une fois le concert terminé, il était question d’une interview. Une demi-heure, faut pas abuser, histoire de. Sauf que. Je les tiens pour partie responsable de ma gueule de bois aujourd’hui. On discute de choses et d’autres devant le bar, on compare la pluie bretonne et marseillaise (Arnaud admet qu’à ce petit jeu ils prennent une branlée). On boit un coup puis deux. Et puis la faim se fait sentir. Voilà comment je me retrouve embarqué pour une interview soupe aux choux installé peinard à l’arrière de la Moule Rieuse où on reboit des coups. Et à ce petit jeu là, les Aline ont des gènes bretons.
J’avais préparé une belle question d’entrée, pour sortir des rengaines habituelles. J’en étais tout content j’étais certain que ça allait leur plaire.
Quelle est la question que vous rêveriez qu’on vous pose ?
Regard circonspect. Silence. Grand moment de solitude. Je ratais ma carrière d’interviewer avant même d’avoir commencé. Les gars, sympas, cherchent, Romain évoque l’absence de questions sur ces textes. Ouf, une piste. On décide de garder la question sous le coude. Et moi je lève le mien un peu trop souvent.
J’enchaîne avec la deuxième, bien plus inspirante. Je suis sauvé.
Vous avez écrit le tube français de 2012. Comment l’expliquez-vous ?
Arnaud : Je bois et puis je danse est un morceau fédérateur. C’est un titre qui tranche et que les gens retiennent immédiatement. Un morceau où la forme et le fond convergent.
Romain : On voulait faire un truc sur lequel les gens puissent danser. Une espèce de Funk Blanc. Et très vite les gens nous ont manifesté leur enthousiasme. Des connaisseurs comme des gens qui n’écoutent pas beaucoup de musique. Ce morceau « parlait » à tout le monde. Pas de recette possible, mais dans l’esprit ça pourrait être une bonne direction à suivre pour le deuxième album.
Le texte était écrit avant la musique ?
R : Non, on écrit toujours la musique avant. J’écoutais beaucoup Orange Juice à cette époque là. Pour ce morceau dansant, j’avais une première phrase en tête. « Je bois et puis je danse ». J’aimais bien cette phrase, sa simplicité, même si on peut la trouver un peu plate, un peu banale, c’est ça que j’aimais dans cette phrase. Ensuite l’écriture n’a pas du tout été linéaire. Il y a eu cette autre phrase ensuite trouvée dans un livre d’astronomie « Au fond du trou noir l’univers est infiniment clair ». J’en aimais la poésie, la métrique. Alors je suis parti sur cette idée d’écrire une chanson sur la frustration, sur ce type ordinaire, le perdant toujours battu par mieux que lui. C’était un texte difficile à écrire. J’ai voulu y placer un fil conducteur autour du jeu d’échecs (rapprocher de la reine, passer pour un fou) mais peut-être que cela ne transparait pas assez clairement.
Et ce clip, ce teaser ? Vous pensez à refaire un clip pour ce single ?
A : Le teaser a été filmé le soir d’un vrai anniversaire de potes. Et le clip c’est compliqué en fait.
Vincent : On a envie mais c’est dur de pas tomber dans la paraphrase. Et faire juste de l’illustration.
R : Ou alors on la joue à fond, à l’ancienne, en mode scopitone.
La soupe aux choux arrive à ce moment là. Arnaud me propose de finir sa bière pour boire du vin et Romain propose que je finisse ma bière pour me servir du vin. C’est le bon moment pour aborder une thématique pertinente.
En parlant d’alcool, la minute culturelle : Qui a écrit Les contes de la folie ordinaire ?
A : (3 secondes et demi) : Buckowski ?
Et Les paradis artificiels ?
R : (1 seconde) Baudelaire ?
Les Aline ont des références. Je peux témoigner. De l’alcool, la conversation dérive vite vers la Bretagne. Dehors il pleut mais on sort fumer une clope avec Romain. Comme je peux pas continuer l’interview, je lui pose des questions et on discute mais c’est pas pour l’interview. Damned, je viens de comprendre le concept du off. Romain me révèle qui a tué Kennedy, me montre le nouvel Iphone 6, mais désolé je n’ai pas le droit d’en parler. Et puis il pleut vraiment trop. C’est pas grave on a recommandé du vin. On reparle du concert de ce soir et de leurs trois passages en Bretagne (une fois Brest, deux fois Rennes). Ils s’accordent tous à dire que si le public breton est sympathique, attentif, il paraît parfois distant, réservé. Romain évoque le souvenir d’un public dansant à la queue-leu-leu sur Je bois et puis je danse. Forcément vu comme ça on peut pas lutter. Après quelques comparaisons d’ambiances et de salles, on en vient à parler musique et albums de l’année.
C’est quoi vos coups de cœur de l’année ?
R (sans hésiter) : Molly Nilsson, Hotel Home. Quelque chose de très doux très beau. Et puis Calendar de Motorama.
A : Twin Shadow. Le premier.
Romain intervient, lui rappelle qu’il est sorti il y a quelques années. Je propose le deuxième.
A : Ah ben non alors. Moi j’aime bien le premier.
V : Rats de Balthazar.
Le concept même de l’interview m’empêche de l’embrasser. Mais le cœur y est. L’album est effectivement terrible. On parle reprise de chansons, je leur demande s’ils ont des envies de ce coté là. Ils évoquent Jean Louis Murat, « Tout est dit » pour Inter le 7 janvier.
Et ben vous savez quoi ? C’est le jour de mon anniversaire ! (je ne sais pas traduire une élocution un peu flottante, mais vous voyez l’idée)
R : Ah mais justement on a fait ça exprès. La sortie de l’album, tout ça est planifié parce qu’on savait que c’était ton anniversaire.
A : C’est dingue cette histoire du 7 janvier. T’es pas le premier à nous dire ça, il y a plein de gens autour de nous qui sont nés ce jour-là. C’est marrant.
J’avais bien encore quelques questions mais je décide de m’arrêter là pour discuter de façon plus souple. Il est presque minuit et je sais qu’ils ne doivent pas trainer, ils quittent Rennes le lendemain à 7h00 et la journée a été fatigante. C’est donc en toute logique qu’ils m’accompagnent à l’espace artistes. Et me voilà un peu sidéré de traverser tout Rennes sous la flotte avec les Aline. On reparle climat, calanques, Dominique A et on chante du Reggiani à tue-tête. Je rentre à cinq heures. Au milieu des limaces je me traine (…) La cloche a sonné, je marche à l’envers. Je pars et puis je rentre je ne sais pas comment.
Merci les gars.